Perte de sens chez les agents du service public : les résultats de notre enquête

Du 30 avril au 31 août 2021, le collectif Nos services publics a mené une grande enquête sur internet auprès des agents des services publics sur le sens et la perte de sens dans leur travail. Plus de 4 500 réponses ont été recueillies, provenant de personnes de tous âges, tous statuts et tous secteurs d’activité. Vous en trouverez ci-dessous les principaux enseignements. Les résultats sont présentés de manière plus détaillée au sein de notre dossier de presse (10 pages), qui présente notre panel, ainsi que des synthèses spécifiques par secteur (enseignement et santé), sur les âges et sur les statuts des professionnels répondants.


80 % des répondants touchés par un sentiment d’absurdité


Les résultats de cette enquête révèlent un mal-être profond : alors que la grande majorité déclare avoir rejoint le service public pour servir l’intérêt général (68 % des sondés), la quasi-totalité (97 %) des répondants s’est déjà dit au moins une fois dans un cadre professionnel : “c’est absurde… ou si cela a un sens ce n’est pas celui pour lequel je me suis engagé”. 80 % des répondants déclarent même être confrontés “régulièrement” ou “très fréquemment” à ce sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail. La fréquence de ce sentiment croît légèrement avec l’âge des enquêtés.

Plus de 3000 témoignages écrits ont été recueillis, dans lesquels les agents nous expliquent, parfois longuement, ce qui provoque chez eux la perte de sens.Ils mettent en avant le manque de moyens, un défaut de vision, l’impression de servir un intérêt particulier plus que l'intérêt général, le poids de la structure ou de la hiérarchie ainsi que le manque de reconnaissance. Ces motifs s’entrecroisent et se recoupent fréquemment.


Premiers problèmes cités : ceux qui limitent la capacité des agents à assurer leurs missions


Les problèmes cités tiennent avant tout aux difficultés et entraves rencontrées par les agents pour mener à bien leur mission (manque de moyens, désaccord avec la pertinence des consignes reçues, perte de sens de leur mission). Les motifs liés à l’environnement de travail (rémunération, opportunités de carrière) sont bien présents, mais ne sont cités que dans une deuxième série de réponses.

Le service de l’intérêt général demeure le motif principal cité pour rester au sein du service public, cité par 50 % des répondants. Néanmoins, le cumul des difficultés rencontrées conduit à une crise de sens massive : un tiers des agents ayant déclaré rejoindre le service public pour “servir l’intérêt général” ne restent plus en poste pour ce motif. La “difficulté de changer” est même citée comme la principale raison de rester dans l’éducation nationale, mentionnée par plus d’un agent sur deux.

Loin des idées reçues sur les motivations des fonctionnaires et de l’isolement parfois ressenti au quotidien, les réponses recueillies mettent en évidence un sentiment de perte de sens largement partagé, lié avant tout à l’incapacité des agents à mener à bien les missions de service public pour lesquelles ils se sont engagés.


Plus de 2590 témoignages publiés en intégralité


Nous avons demandé aux répondants s’ils pouvaient nous raconter la perte de sens à laquelle ils étaient confrontés. La lecture de ces témoignages éclaire sur l’ampleur et la diversité des injonctions contradictoires auxquels sont confrontés les agents publics au quotidien :

  • "Professeur d'anglais en lycée, on m'impose de faire cours à 35 élèves par classe en donnant la priorité à l'interaction orale (...)" Isabelle, professeur d'anglais*
  • “Recevoir des commandes à 22h avec comme intitulé "TTU, commande avant 9h". On nous demande de sacrifier notre santé et notre vie personnelle pour des dossiers ministre qui ne sont pas lus / ou qui ne sont pas utilisés car les ministres annulent leurs interventions à la dernière minute.”
    Chargée de mission au bout du rouleau*
  • “En particulier quand on m'impose de dire à des partenaires qu'on souhaite les accompagner, que l'institution communique pour dire qu'elle accompagne et que je sais que je n'ai ni le cadre pour intervenir, ni le budget, ni une réelle volonté politique."
    Pellisse, chef de projet culture*
  • "Commissaire de police, je suis entré pour être un concepteur et suis devenu en quelques années au quotidien d'abord un "super-exécutant" chargé de rendre compte par des tableaux à remplir d'instructions supérieures dénuées de sens."
    Antevasin, commissaire de police*
  • “Déplacer des infirmières d’un service à l’autre sans se préoccuper de leurs compétences.”
    Fabienne, cadre de santé*

Ces quelques témoignages (*présentés selon le nom et/ou le pseudo choisis par les répondants eux-mêmes) sont extraits des plus 3000 réponses que nous avons reçues, parmi lesquelles 2590 agents nous ont autorisé à diffuser leur témoignage. Nous mettons la totalité de ceux-ci en accès libre sur https://nosservicespublics.fr, ainsi que les données brutes et anonymisées de notre enquête, accompagnés de graphiques de datavisualisation interactifs.

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